Le monde pousse vers le haut et empile pêle-mêle une infinité de structures tirant çà et là leurs inspirations… Des arcs, des arches et des lumières dignes des gravures de Giovanni Battista Piranesi (encore !) ou d’un dessin de Schuiten, mais aussi d’autres choses plus métalliques, sales mais puissantes qui rappellent Fritz Lang, Tetsuo, Akira ou Cronenberg… Il faut le dire, ces références ne tiennent pas de la coïncidence, car Takahide Hori, le réalisateur de Junk Head est cinéphile avant d’être animateur-aventurier.
Lancé comme ça dans le bain du stop-motion, la persévérance en étendard, il déploie un univers où le Body Horror est maître mot.
Et c’est étrange, non ?
Là où les hommes ont si peu d’humanité figés dans le corps de robots, les créatures d’en bas, elles se baladent en chair et os, exposant leur cage thoracique, dents pointues et langue sanguinolente. Un bestiaire proche d’Alien mais pas que, se trimbale dans les couloirs d’un labyrinthe ou Toro/Dieu/L’Épave selon ce qu’on préfère, se perd.
La descente dans les profondeurs du monde n’est pas juste une promenade de santé. Toro est envoyé par l’humanité à la recherche de l’ADN d’une bestiole comparable à un chien des enfers. Elle posséderait le secret de la reproduction… Car les humains dans ce film ne peuvent plus enfanter. Condamnés aux maladies qui déciment à bras large 30% des populations, les voici sans doute perdus, coincés dans leurs studios où la communication ne se fait que par des ordinateurs. Et s’il fallut 4 années à Takahide pour faire son film, il faudra bien s’avouer que son sujet tombe pile dans les problématiques actuelles.
Les humains dans Junk Head, s’ils vivent au plus haut du monde, là où il y a le ciel, s’en vont chercher dans la crevasse de leurs déchets, l’espoir. C’est drôle comme il faut revenir au plus trivial, au plus primaire : aller fouiller la fange à la recherche d’une aiguille. Aller à la rencontre de ceux qu’on a rejetés pour qu’ils nous montrent une autre voie que celle envisagée. À cela s’ajoutent d’étonnantes et terrifiantes rencontres, car ici-bas (même plus bas que bas) les êtres n’ont rien de charmant… Seule une petite fille, chaperon rouge nous apparaît plus normale et encore, on se rend bien vite compte que non, elle n’est pas juste mignonne, en elle, se cache l’état sauvage…
Il y a beaucoup à dire sur les efforts de Takahide Hori. On voit les faiblesses c’est sûr, notamment sur certains aspects du scénario, mais c’est aussi la force du film.
On devine le travail labyrinthique de Takahide, comme sa recherche maniaque de la vérité. Y en a-t-il une, de vérité d'ailleurs ? Et une fin ? Y a-t-il un paradis dans les profondeurs de l’humanité, dans le ciel bleu mais sec de tout là-haut ? Et si oui, paradis rime-t-il vraiment avec paix de l’âme… Peut-être en saurons-nous davantage dans le second film qu’il prépare déjà.
Junk Head de Takahide Hiro, sorti le 18/05/2022]
Tck.