mercredi 17 janvier 2024

L'homme spirituel (écrivain/livre)

Lire Hermann Hesse aujourd’hui c’est s’autoriser à plonger dans une sorte d’étrange paradoxe romantique et spirituel... Là où les figures adolescentes d’un Demian et d’un Siddhartha transcendent par leur beauté et leur capacité à charmer leur entourage. Après faut-il y être sensible.

Ses personnages sont constamment tenus par leurs amitiés particulières lesquelles culminent et se brisent avec la transition vers un âge adulte ou l’âge des femmes. Ces dernières ont toujours la figure de sirènes enjôleuses qui éduquent le corps plus que la pensée mais dont l’instruction ricoche en une conception nouvelle de l’existence et des désirs. Clairement stéréotypées, les femmes de Hesse se cantonnent au rôle de la première fois et puis sont évincées pour une quête plus transcendantale.

Imprégné depuis son enfance par la culture hindouiste, Hermann Hesse distille dans ses récits des interrogations sur le soi, son dépassement et le Nirvana. Ce qui apparaît presque étrange si ce n’est comique, c’est cette proportion à rechercher l’état le plus contemplatif du monde, tout en s’appuyant d’une écriture lyrique, romantique. A la fois salué pour ce style tout en étant critiqué, Hermann Hesse est un drôle de loup dont les textes sont fascinants... On s’y plonge avec l’impression de toucher des vérités importantes, tout en étant constamment agacé par les fioritures.

Lire Hesse en 2024 tient de la patience et de l’acceptation. Il faut s’autoriser la lenteur des actions, la lourdeur de certaines phrases, pour atteindre l’essence spirituelle du texte, lequel tend à donner un certains point de vue de la Vérité donc.

[Siddhartha de Hermann Hesse, éditions LdP, 31/10/1975]

Tck.

lundi 15 janvier 2024

Jihad à la passion (essai)

De tout ce que condense une vie, finalement il y a peu de choses qui sont réellement retenues, qui reviennent en tête. Notes de ma cabane de moine fait parti, quant à lui, de ces textes qui façonnent ma bibliothèque mentale.
C’est un petit livre, édité en France par Le bruit du temps. Un récit assez court rédigé en 1212 par Kamo no Chômei fils d’un prêtre Shintoiste qui voua une partie de sa vie au biwa et à la poésie, avant de s’en aller vivre dans une cabane, dans une forme d’ascèse qui poussa l’admiration de ses contemporains.

Ici, il interroge l’impermanence de l’existence. Il connut de nombreux bouleversements, de la famine, aux ouragans, au transfert de la capitale japonaise. Quelle est la valeur d’une vie au milieu de ces perturbations ? Comment se tenir face à tout ça ?
Si l’interrogation est belle et a été souvent comparée aux réflexions de Thoreau, il y a un autre point plus viscéral qui me pousse à repenser à ce livre. Kamo no Chômei interroge l’art, dans sa passion. Poète et joueur de biwa génial, il abandonna son amour des compositions pour se retrancher dans sa cabane et la prière. Dans cette recherche de la pureté bouddhiste, il reste affreusement accroché à son amour des arts. Jamais il ne parviendra à s’en défaire totalement.

Pourquoi abandonner l’art, quand il est si puissamment accrocher à soi ?
Il y a de la douleur dans cette incapacité à se défaire comme on le souhaite de l’art. Dans la recherche de la vérité, la tentative de masquer la vérité la plus nue par la beauté d’un ver ou d’une mélodie, Kamo no Chômei comprend sans aucun doute qu’il est incapable de transcender son enveloppe humaine et d’accepter de manière la plus frontale l’existence.

Les passions nous enseignent notre fragilité face à la vie, nous mettent au devant de notre crainte de la mort. Si l’art (la poésie) était à un certain niveau méprisé par les philosophes grecques, sans doute était-ce due à sa capacité à éloigner l’Homme de la Vérité.

Est-ce que Kamo no Chômei est parvenu à oublier le biwa et les haïkus ? Je ne crois pas... Pas plus que sa passion ne le rendit heureux. Mais encore, il faudra éviter de faire l'amalgame entre bonheur et passion.

[Notes de ma cabane de moine de Kamo no Chomeï, éditions le bruit du temps, 18/11/2010]

Tck.