Une question sur le bout de la langue, pour saisir les comportements autres, qui divergent. Dans les sphères sociales hors du cadre, des balles qui rebondissent et ricochent sur la surface d'une société trop hermétique à la différence et qui pourtant cultive le goût de la... différence. Tant qu'elle se joue dans les habits, dans les coiffures, dans tout le jeu des superficialités, ça va. Mais lorsque c'est le mental qui décide de continuer le film hors cadre, alors ça gêne. Revenez dans le champ, rien ne va. On ne vous voit plus, vous devenez invisible et pourtant Dieu sait que vous en faites du bruit à vous rouler sur le sol, en cris de fauve.
Caméléon tu seras, pour te fondre dans la masse des gens. Inspiration profonde, yeux qui se closent. Accepter le bruit ambiant, ne faire remarquer qu'aux siens que la claque des mains dans lesquelles on frappe provoque la migraine. Se retenir jusqu'à sa moelle lorsque cette même main amicale frotte le dos. Je n'aime le contact qu'avec ma soeur qui est comme moi, avoue Addie.
En petits mots souples, les étincelles invisibles décrit certains comportements des neuro-atypiques : comment réagir face à ces visages incompréhensibles, aux muscles qui se gribouillent d'expressions insaisissables ? Par le biais des sorcières, Elle McNicoll parvient avec brio à construire un parallèle entre celles qui furent brûlées parce que hors normes et Addie qui se reconnaît en elles, parce qu'être une jeune fille autiste aujourd'hui, c'est être confrontée au rejet et à la cruauté du monde.
Ainsi, le front camouflé sous le chapeau de ces sorcières, Addie décide de militer pour que soit installée une stèle commémorative pour ces femmes. Après tout, elle-même aurait pu mourir ainsi...
Si le vocabulaire du livre reste simple et l'histoire finalement très courte, comment ne pas être pris d'un vertige tandis que l'on marche dans la rue, dans le silence et le regard de ceux qui nous entourent ? Des sorciers et des sorcières gravitent dans les foules, l'oeil baissé, pour ne pas être reconnus et immolés par le feu. S'ils avaient tous une pierre avec gravée à l'or ou au burin un simple Nous sommes désolés, ne pourraient-ils pas, tous ces autres, souffler un peu, se dire qu'être juste soi, c'est déjà si bien...
[Les étincelles invisibles d'Elle McNicoll, édition école des loisirs (15/09/2021)]
Tck.