mardi 7 octobre 2025

L'honneur de nos vieux (film)

C’est comme un manque d’air. Une gêne profonde lorsqu’on voit un film comme celui-ci. Parce qu’il date de 1952 et qu’on le visionne en 2025 en se disant que finalement, les problèmes sont toujours les mêmes et que l’histoire de nos vieux se répète inexorablement et ce même 77 ans plus tard.

Umberto D est un petit retraité de la fonction publique italienne. Il est comme des milliers d’autres, à manifester sans trop de succès, en suppliant avec ses comparses pour l’augmentation de sa pension.

Juste 20% de plus, disent-ils ! Juste ça pour rembourser ses dette, se loger, manger.

Umberto n’a pas de famille. Personne pour veiller sur sa carcasse vieillissante. Et lui-même a un chien, Flike, un petit Jack Russel bien dressé qui est à la fois une charge car il faut s’en occuper et le nourrir mais aussi son seul compagnon.

Umberto voit peu à peu se resserrer l’étau autour de lui. Son dernier rempart face au drame de l’après-guerre reste sa petite chambre au papier peint baroque d’où sa logeuse souhaite le jeter, pour transformer l’appartement. Pour le pousser dehors, elle fera d’abord coucher un jeune couple dans son lit, puis oubliera toute subtilité, envoyant ses ouvriers faire des travaux dedans, arrachant le papier peint et perçant même le mur.

Alors, notre pauvre vieux n’aura plus rien, que la rue.

La femme de ménage de l’appartement où il vit, se prend de pitié pour lui ou plutôt, partage une existence pathétique comme Umberto. Enceinte d’un des soldats avec qui elle a eu une aventure, cette encore toute jeune femme, vit ses derniers mois d’innocence où il s’agit pour elle, de ne prendre soin que de sa propre personne.

Elle, qui vit encore dans un entre-deux, sont lit même étant un lit de camp posé dans le couloir, est toujours montrée, enfermée dans des espaces clos de la vie ménagère : une cuisine, une chambre, un hôpital. Même lorsqu’elle est dehors, elle est réduite à la tâche : un marché.

Umberto n’en est pas en reste. Et le film ne nous offre jamais un espace de liberté. La camera nous refuse le ciel pour nous laisser face à des murs gigantesques, des colonnes qui n’en finissent pas et Umberto, toujours là, frêle silhouette accompagnée de son chien.

On pourra reprocher au film sa tendance au pathos à cause même de la présence du chien, Flike. La pauvre bête ne doit sa survie qu’à son maître qui lui-même en est réduit à souhaiter mourir. Mais quoi faire du chien ? L’abandonner à un chenil ? À une famille bourgeoise ? Ou mourir avec lui, tout bonnement. Peut-on être à ce point là égoïste et entraîner dans sa chute ses compagnons ?

Sans jamais juger les choix de son vieux, Vittorio De Sica se fait plutôt l’ombre discrète d’une Italie qui ne se mélange pas et où la misère côtoie l’autre monde sans y toucher.

Et Umberto D, qui fut un de ces hommes du grand monde, est incapable, malgré sa misère d’oser l’aumône. Lui qui a gagné sa vie avec honnêteté, lui l’homme de la fonction publique porte son chapeau avec l’élégance de ces vieux qui se refuse à tout déshonneur.

Laissé sur le bas de côté du monde, oublié par son pays, il n’est plus rien, pas même une fourmis travailleuse.

Sans donner de solution, Sica pose plutôt un constat historique et Umberto D est un simple prélèvement sur une journée ou deux d’un pays d’après-guerre qui a encore du mal à tenir en équilibre sur ses ruines.

[Umberto D, de Vittorio De Sica, 1952]

Tck.