La structure est léchée. Les couleurs dans de longs aplats où scintille sans doute un peu de blanc pour leur donner ce quelque chose de vaporeux, comme un voile déposé sur la peinture. Même lorsque ce sont des roches brunes et orangées, telles des boursouflures sorties de terre, il y a ce voile. Même sur les fleurs vulvaires, il y a ce voile. Il est partout ; sorte de maladie précoce du regard, qui empêche d'embrasser les toiles pleinement, qui tient éloigné, juste assez pour protéger l'artiste.
Elle qui a peint la douleur de ne pas avoir eu d'enfant, elle qui a montré dans les fleurs un érotisme démesuré, qui dans les déserts a fait exploser la masse corporelle des montagnes ; une violence pourtant pleine de pudeur. Ses fleurs ne sont pas charnelles. Elles sont glacées, leur corps rappelle les mannequins de magazines. Des bouches grandes ouvertes et stériles. Il en va de même pour ses roches qui pourtant sont généreuses en plis d'une chaire minérale.
Quitter une telle exposition c'est laisser un morceau de soi sur le parterre blanc. Une poussière offerte à la grâce d'un crâne minéral.
J'ai froid de ton travail, O'Keeffe.
Le pas chancelant, la bile qui remonte la gorge, on passe à la salle suivante où le Freak Show des corps mutilés est de trop... Un banc au centre de la pièce est le bienvenu pour se laisser tomber. Les peintures de Baselitz sont purulentes, douloureuses. Là où O'Keeffe avait la douleur froide, ici, on entend au contraire hurler la chair de la peinture ; le geste de l'artiste est lourd, accumule les couches, les couleurs. Le brun sale, la merde est présente.
Baselitz qui pourtant, dans les images d'archives semble être un beau jeune homme, à l'allure presque anglaise. Il a la tranquillité d'un visage bien fait, mais au fond de son crâne dansent des monstres....